Il y a mille et une
façons de parler d'une ville de 30 millions d'habitants comme Tokyo.
Nous pourrions commencer par l'histoire, relativement courte, de la
ville, devenue la métropole principale du Japon il y a environ 400
ans, et plusieurs fois saignée à blanc par les hommes et les dieux.
Nous pourrions évoquer l'art qui s'y est développé, et verser vers
l'exotisme érotisant des estampes, une bonne idée quand on cherche
l'audience. Mais, sur ce site dédié à l'urbanisme, l'article va
tenter d'identifier les principales raisons qui font de Tokyo une
cité complètement différente des grandes villes européennes, et,
pour l'auteur, la ville la plus attachante dans laquelle il ait vécu.
Tokyo est d'abord un
fruit de la géographie japonaise: le pays fait la taille de l'Italie
(300.000 km²), mais compte peu de terres habitables, environ 40.000
km², soit la superficie d'une région française comme Rhône-Alpes.
Un quart de cette surface est constituée de la plaine du Kanto,
l'arrière-pays de Tokyo. C'est donc assez naturellement que plus de
30 millions d'habitants, le quart de la population japonaise, se sont
concentrés dans la vaste agglomération comprenant, outre la
capitale japonaise, les villes de Yokohama, Kawasaki, Chiba, et
Saitama. L'agglomération s'est développée principalement au 20ème
siècle, lors de l'industrialisation du pays.
Détruite à deux fois
lors du siècle dernier, en 1923 et en 1945, la ville a été
reconstruite à chaque fois au moins cher et au plus pratique, dans
un pays qui n'était plus pauvre, mais qui n'était pas encore riche.
Les autorités ont donc laissé les propriétaires disposer comme
ils l'entendent de leur terrain, sans contrainte autre que des
règlement sismiques. Ceux-ci ont limité jusqu'à récemment la
taille des appartements, mais à part cela, il est possible de
construire à la hauteur souhaitée, et du style souhaité. Des
restrictions seraient d'ailleurs très mal vues par les japonais,
pour qui la propriété foncière, plus que celle des immeubles, est
importante. Le chaos qui en résulte est finalement très agréable,
avec de nombreux petits recoins: il n'est pas rare de découvrir des
petites maisons de bois au pied des gratte-ciels: cette grande
métropole n'est jamais étouffante. L'espace, gouverné par les lois
de l'offre et de la demande, est aussi intelligemment utilisé: il
n'y a pas de pavillons occupant inutilement le terrain à proximité
d'une voie de chemin de fer majeure. En résultat, dans un pays qui a
pourtant beaucoup de contraintes, il est plus facile de se loger à
Tokyo qu'à Londres, Paris ou New-York.
Tokyo est aussi une ville
très sûre. Cette sécurité est assurée par une éducation parfois
dure qui apprend aux japonais à respecter les normes et les règles, sous
peine de bannissement du groupe. Ceci est renforcé par des allocations sociales peu généreuses qui ne laissent pas de seconde chance à
ceux qui sont tentés de se mettre en marge de la société. La
méthode japonaise a sans doute un prix, et elle est très
probablement peu applicable aux sociétés européennes: toutefois,
le résultat est intéressant: vivre dans une métropole sûre permet
d'en profiter beaucoup plus. Cela facilite aussi beaucoup la vie des
populations modestes, entassées comme partout dans le monde dans des
banlieues, mais où au moins la sécurité n'est pas un problème.
Même le monde des sans-domiciles fixes, qui existe comme partout
ailleurs, dispose d'un minimum de règles.
La vie dans les banlieues
populaires est d'autant plus supportable que les réseaux de
transport en commun sont d'excellente qualité. Pour cela, le Japon a
fait le choix de trains de banlieue partiellement privés,
relativement chers, mais proposant un service sûr. Il n'y a pas dans
ce système de bons plans: on reçoit une carte payée par
l'employeur pour seulement le trajet entre son domicile et son
travail, et tous les autres déplacements sont à la charge des
utilisateurs. La présence de plusieurs compagnies ne disposant pas
d'une billetterie centrale peut rendre les trajets onéreux, et il
n'existe évidemment pas de carte étudiant à prix favorable.
Toutefois, la contrepartie est un service d'excellente qualité, et
un réseau étendu. A la fin, cela coûte moins cher à des familles
de la classe moyenne que de posséder une voiture, même si on peut
facilement dépenser 10 à 20 euros en billet de train pour une
journée de sortie le week-end. Le Japon a aussi laissé les
compagnies de chemin de fer façonner la ville, et les gares
deviennent des lieux de vie avec leurs restaurants et leurs magasins.
Le résultat est très pratique: on peut faire les courses directement en revenant du travail..
La ville n'a pas été
construite autour de la voiture, mais dispose de bonnes
infrastructures routières: grandes avenues, autoroutes reliant la
capitale aux autres régions du pays, et surtout les fameuses
autoroutes urbaines suspendues qui traversent le centre. Par contre,
l'usage de l'automobile personnelle est assez onéreuse: il est
obligatoire de posséder une place de parking, dont le loyer s'élève
à environ 200 Euros. Les autoroutes sont également toutes payantes: un parcours sur le périphérique local coûte 5
euros. En pratique, il est agréable de circuler dans la
ville, à l'exception des retours de week-ends où les autoroutes
sont complètement paralysées: on peut attendre 5 heures un samedi
soir pour rentrer dans la ville depuis les montagnes ou la mer, distantes de moins de 100 kilomètres.
La ville de Tokyo est
plutôt modérée dans ses dépenses, même si elle assure
l'entretien d'une infrastructure minimale: des parcs dont la mise en valeur est assez relative, un équipement sportif basique, composé
principalement des piscines des collèges ouvertes au public et de
terrains de sports en bordure des rivières. Les événements
culturels organisés par la ville sont assez rares, et les écoles
municipales n'ont pas toutes bonne réputation. Il y a
également quelques services sociaux, par exemple pour la vaccination
ou le dépistage de maladies, et même des HLM, dont la majorité a été construite dans les années 60 ou 70, et qui ne
sont pas toujours l'hébergement le moins cher, puisque le secteur
privé couvre également le bas de gamme, par exemple avec des
structures préfabriquées. D'une façon générale, la ville met à
disposition les infrastructures nécessaires pour assurer l'activité
économique, mais laisse le secteur privé répondre à la majorité
des besoins. Ce dernier est d'ailleurs très dynamique, y compris
dans l'ultra bas de gamme.
Au total, Tokyo est, de
façon surprenante, une ville plutôt agréable, si l'on réussit à
éviter les trajets de train quotidien les plus long. Le coût de
l'éducation des enfants est toutefois problématique.
Même si le Japon connaît un faible chômage par rapport à notre
pays, Tokyo a son lot d'exclus et de SDF, que l'on laisse installer
des tentes dans la ville tant qu'ils ne dérangent personne et qui
vivent de petits boulots. Mais malgré ces zones d'ombre, cette
ville organisée autour du commerce est d'un dynamisme incroyable,
et, par bien des côtés, plus facile à vivre que la région
parisienne.
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