vendredi 30 décembre 2011

Introduction à Tokyo

Il y a mille et une façons de parler d'une ville de 30 millions d'habitants comme Tokyo. Nous pourrions commencer par l'histoire, relativement courte, de la ville, devenue la métropole principale du Japon il y a environ 400 ans, et plusieurs fois saignée à blanc par les hommes et les dieux. Nous pourrions évoquer l'art qui s'y est développé, et verser vers l'exotisme érotisant des estampes, une bonne idée quand on cherche l'audience. Mais, sur ce site dédié à l'urbanisme, l'article va tenter d'identifier les principales raisons qui font de Tokyo une cité complètement différente des grandes villes européennes, et, pour l'auteur, la ville la plus attachante dans laquelle il ait vécu.

Tokyo est d'abord un fruit de la géographie japonaise: le pays fait la taille de l'Italie (300.000 km²), mais compte peu de terres habitables, environ 40.000 km², soit la superficie d'une région française comme Rhône-Alpes. Un quart de cette surface est constituée de la plaine du Kanto, l'arrière-pays de Tokyo. C'est donc assez naturellement que plus de 30 millions d'habitants, le quart de la population japonaise, se sont concentrés dans la vaste agglomération comprenant, outre la capitale japonaise, les villes de Yokohama, Kawasaki, Chiba, et Saitama. L'agglomération s'est développée principalement au 20ème siècle, lors de l'industrialisation du pays.

Détruite à deux fois lors du siècle dernier, en 1923 et en 1945, la ville a été reconstruite à chaque fois au moins cher et au plus pratique, dans un pays qui n'était plus pauvre, mais qui n'était pas encore riche. Les autorités ont donc laissé les propriétaires disposer comme ils l'entendent de leur terrain, sans contrainte autre que des règlement sismiques. Ceux-ci ont limité jusqu'à récemment la taille des appartements, mais à part cela, il est possible de construire à la hauteur souhaitée, et du style souhaité. Des restrictions seraient d'ailleurs très mal vues par les japonais, pour qui la propriété foncière, plus que celle des immeubles, est importante. Le chaos qui en résulte est finalement très agréable, avec de nombreux petits recoins: il n'est pas rare de découvrir des petites maisons de bois au pied des gratte-ciels: cette grande métropole n'est jamais étouffante. L'espace, gouverné par les lois de l'offre et de la demande, est aussi intelligemment utilisé: il n'y a pas de pavillons occupant inutilement le terrain à proximité d'une voie de chemin de fer majeure. En résultat, dans un pays qui a pourtant beaucoup de contraintes, il est plus facile de se loger à Tokyo qu'à Londres, Paris ou New-York.


Tokyo est aussi une ville très sûre. Cette sécurité est assurée par une éducation parfois dure qui apprend aux japonais à respecter les normes et les règles, sous peine de bannissement du groupe. Ceci est renforcé par des allocations sociales peu généreuses qui ne laissent pas de seconde chance à ceux qui sont tentés de se mettre en marge de la société. La méthode japonaise a sans doute un prix, et elle est très probablement peu applicable aux sociétés européennes: toutefois, le résultat est intéressant: vivre dans une métropole sûre permet d'en profiter beaucoup plus. Cela facilite aussi beaucoup la vie des populations modestes, entassées comme partout dans le monde dans des banlieues, mais où au moins la sécurité n'est pas un problème. Même le monde des sans-domiciles fixes, qui existe comme partout ailleurs, dispose d'un minimum de règles.


La vie dans les banlieues populaires est d'autant plus supportable que les réseaux de transport en commun sont d'excellente qualité. Pour cela, le Japon a fait le choix de trains de banlieue partiellement privés, relativement chers, mais proposant un service sûr. Il n'y a pas dans ce système de bons plans: on reçoit une carte payée par l'employeur pour seulement le trajet entre son domicile et son travail, et tous les autres déplacements sont à la charge des utilisateurs. La présence de plusieurs compagnies ne disposant pas d'une billetterie centrale peut rendre les trajets onéreux, et il n'existe évidemment pas de carte étudiant à prix favorable. Toutefois, la contrepartie est un service d'excellente qualité, et un réseau étendu. A la fin, cela coûte moins cher à des familles de la classe moyenne que de posséder une voiture, même si on peut facilement dépenser 10 à 20 euros en billet de train pour une journée de sortie le week-end. Le Japon a aussi laissé les compagnies de chemin de fer façonner la ville, et les gares deviennent des lieux de vie avec leurs restaurants et leurs magasins. Le résultat est très pratique: on peut faire les courses directement en revenant du travail..

La ville n'a pas été construite autour de la voiture, mais dispose de bonnes infrastructures routières: grandes avenues, autoroutes reliant la capitale aux autres régions du pays, et surtout les fameuses autoroutes urbaines suspendues qui traversent le centre. Par contre, l'usage de l'automobile personnelle est assez onéreuse: il est obligatoire de posséder une place de parking, dont le loyer s'élève à environ 200 Euros. Les autoroutes sont également toutes payantes: un parcours sur le périphérique local coûte 5 euros. En pratique, il est agréable de circuler dans la ville, à l'exception des retours de week-ends où les autoroutes sont complètement paralysées: on peut attendre 5 heures un samedi soir pour rentrer dans la ville depuis les montagnes ou la mer, distantes de moins de 100 kilomètres.


La ville de Tokyo est plutôt modérée dans ses dépenses, même si elle assure l'entretien d'une infrastructure minimale: des parcs dont la mise en valeur est assez relative, un équipement sportif basique, composé principalement des piscines des collèges ouvertes au public et de terrains de sports en bordure des rivières. Les événements culturels organisés par la ville sont assez rares, et les écoles municipales n'ont pas toutes bonne réputation. Il y a également quelques services sociaux, par exemple pour la vaccination ou le dépistage de maladies, et même des HLM, dont la majorité a été construite dans les années 60 ou 70, et qui ne sont pas toujours l'hébergement le moins cher, puisque le secteur privé couvre également le bas de gamme, par exemple avec des structures préfabriquées. D'une façon générale, la ville met à disposition les infrastructures nécessaires pour assurer l'activité économique, mais laisse le secteur privé répondre à la majorité des besoins. Ce dernier est d'ailleurs très dynamique, y compris dans l'ultra bas de gamme.


Au total, Tokyo est, de façon surprenante, une ville plutôt agréable, si l'on réussit à éviter les trajets de train quotidien les plus long. Le coût de l'éducation des enfants est toutefois problématique. Même si le Japon connaît un faible chômage par rapport à notre pays, Tokyo a son lot d'exclus et de SDF, que l'on laisse installer des tentes dans la ville tant qu'ils ne dérangent personne et qui vivent de petits boulots. Mais malgré ces zones d'ombre, cette ville organisée autour du commerce est d'un dynamisme incroyable, et, par bien des côtés, plus facile à vivre que la région parisienne.

1 commentaire:

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