samedi 17 décembre 2011

Les mauvaises leçons des grands ensembles

Dans les années 50, les villes de France étaient entourées de bidonvilles semblables à celles qui nous choquent tant à Rio ou Calcutta.Les conditions de vie y étaient évidemment déplorables.Pour remédier à cela, le gouvernement a décidé, avec tout l'enthousiasme pour le progrès de l'époque, de construire en masse des grands ensembles à la périphérie des villes. La démarche a fait appel à des techniques de pointe, comme la  préfabrication en usine, qui ont permis de beaucoup réduire les coûts. Pour les familles modestes,  le confort offert par ces nouvelles constructions était à l'époque fantastique. Pourtant, 50 ans après, ces cités sont devenues nos 'banlieues' à problème, et rassemblent maintenant tous les problèmes sociaux de notre pays. Et pour cela, la construction de grands ensembles a maintenant mauvaise presse. 'une autre ville' pense que cela est injuste: des erreurs ont certes été commises, mais elles sont réparables, et la plupart des problèmes rencontrés n'ont rien à avoir avec le principe de construction rationalisée de grands ensembles.


Commençons par un petit tour en Angleterre: là-bas, les quartiers modestes sont plutôt les fameux lotissements de maisons de brique. Ces  quartiers connaissent exactement les mêmes problèmes que nos banlieues. Drogue, chômage et délinquance s'installent en fait partout où les conditions sociales y sont favorables, et cela n'a rien à voir avec le style architectural. Un autre exemple en est que d'autres constructions des années 60, bien situées en centre ville, et avec un style proche de nos H.L.M.s, sont des adresses recherchées, tels le Front de Seine, en photo plus bas. Nous pourrions aussi visiter les grandes villes du Japon ou de Corée vivantes et prospères, mais dont les immeubles  rappellent parfois  ceux de nos banlieues, en pire. Mais nul n'est besoin de plus chercher: architecture et conditions sociales sont à peu près indépendantes.

En fait, plusieurs erreurs ont cependant été commises dans la construction  de nos grandes banlieues. La première est sans doute la pénurie de transports en commun collectifs. Les grands ensembles se sont naturellement construits là où des terrains étaient vacants, et donc loin des lignes de train.  A une époque où  l'on croyait au tout voiture, il n'a pas été jugé nécessaire de rajouter des trams, des métros ou des trains. De même, alors que les supermarchés étaient synonymes de progrès, il n'a souvent pas été prévu suffisamment de commerces de proximité.ces villes n'ont également souvent pas été conçus pour les courts déplacements à pied. Et tout cela est fort dommage, car si l'on avait prévu ces infrastructures dès  le début, le coût n'aurait pas forcément été très élevé.

On ne doit pas non plus laisser passer la faible qualité des bâtiments construits. Les appartements y sont souvent bruyants, et mal isolés. Les matériaux choisis vieillissent mal. Mais il faut se rappeler que ces appartements étaient extraordinairement bon marchés, et construits il y a 50 ans avec les  technologies de l'époque. Il est très certainement possible maintenant de faire mieux,quitte à accepter un surcoût de 30 à 50% par rapport au très bas de gamme, ce qui placerait quand même des grands ensembles de qualité comme compétitifs. On peut aussi faire des choix plus simples sans augmenter, comme éviter tout matériau qui ne peut ni se laver, ni se peindre: un immeuble peut se limiter pour sa façade au béton peint et au verre, tous deux faciles d'entretien.


Les cités ont parfois fait le choix  de mal délimiter l'espace public et l'espace privé. Les jardins prévus à l'époque, non clos, sont difficiles à surveiller, et n'aident pas à  sécuriser ces quartiers. Ils favorisent aussi un étalement urbain qui rend difficile les petits trajets à pieds. Et les espaces verts, si trop nombreux, ne peuvent pas être correctement entretenus. Un modèle plus compact, avec moins d'espaces publics, est probablement plus efficace.

Mais surtout, nos grands ensembles ont subi de plein fouet les erreurs politiques de la France des années 70, 80, et 90, en particulier le choix conscient de nos élites de favoriser le chômage de masse plutôt que de remettre en cause notre modèle social. Ces ensembles ont subi en conséquence un manque d'entretien chronique qui n'a pas favorisé les conditions de vie des habitants. Mais quelle que soit l'architecture des quartiers modestes, ceux-ci auraient beaucoup souffert dans la France de ces 40 dernières années. On se trompe donc complètement quand on  imagine que l'industrialisation de la construction, et la densification sont les causes des malheurs des banlieues, et quand on croit résoudre ces maux par un pittoresque inefficace. Et il est fort dommage que l'on n'ait pas travaillé à améliorer ces  deux concepts intéressants.

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